Pour qu’augmentent les opportunités de dialogue et de rencontre entre la foi chrétienne et les peuples d’Asie.

En ce vaste continent, où il existe une grande variété de cultures, l’Église est appelée à être diversifiée et créative dans son témoignage rendu à l’Évangile, grâce au dialogue et  à l’ouverture envers tous. C’est cela votre défi ! En vérité, le dialogue est une partie essentielle de la mission de l’Église en Asie (cf. Ecclesia in Asia, n. 29). Mais en entreprenant le chemin du dialogue avec les personnes et avec les cultures, quels doivent-être notre point de départ et notre point de référence fondamental qui nous guident vers notre but ? Certainement, c’est notre propre identité, notre identité de chrétiens. Nous ne pouvons pas nous engager dans un vrai dialogue si nous ne sommes pas conscients de notre identité. Du néant, de rien, du brouillard de l’auto conscience, on ne peut pas dialoguer, on ne peut pas commencer à dialoguer. Et, d’autre part, il ne peut y avoir un dialogue authentique si nous ne sommes pas capables d’ouvrir notre esprit et notre cœur, avec empathie et accueil sincère de ceux avec qui nous parlons. C’est une attention, et dans l’attention le Saint Esprit nous guide. Un sens clair de l’identité propre de chacun et une capacité d’empathie constituent donc le point de départ pour tout dialogue. Si nous voulons communiquer de manière libre, ouverte et fructueuse avec les autres, nous devons avoir bien clair à l’esprit ce que nous sommes, ce que Dieu a fait pour nous et ce qu’il attend de nous. Et si notre communication ne veut pas être un monologue, il doit y avoir ouverture de l’esprit et du cœur pour accepter les personnes et les cultures ; sans peur : la peur est ennemie de ces ouvertures.

La tâche de nous approprier notre identité et de l’exprimer ne se révèle cependant pas toujours facile, puisque, du moment que nous sommes pécheurs, nous serons toujours tentés par l’esprit du monde qui se manifeste de diverses façons. Je voudrais ici en signaler trois. La première d’entre elles est la méprise trompeuse du relativisme, qui obscurcit la splendeur de la vérité et, secouant la terre sous nos pieds, nous fait avancer vers des sables mouvants, les sables mouvants de la confusion et du désespoir. C’est une tentation qui dans le monde d’aujourd’hui affecte même les communautés chrétiennes, conduisant les gens à oublier que « sous tous les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais» (Gaudium et spes, n. 10 ; cf. He 13, 8). Je ne parle pas ici du relativisme entendu seulement comme un système de pensée, mais de ce relativisme pratique, quotidien, qui, de manière presqu’imperceptible, affaiblit toute identité.

Une seconde façon dont le monde menace la solidité de notre identité chrétienne, c’est la superficialité : la tendance à jouer avec les choses à la mode, les gadgets et les distractions, plutôt que de nous consacrer aux choses qui comptent réellement (cf. Phil 1, 10). Dans une culture qui exalte l’éphémère et offre de nombreux lieux d’évasion et de fuite, cela représente un sérieux problème pastoral. Chez les ministres de l’Église, cette superficialité peut aussi se manifester dans le fait d’être fascinés par les programmes pastoraux et par les théories, au détriment de la rencontre directe et fructueuse avec nos fidèles – et aussi avec ceux qui ne le sont pas – spécialement les jeunes, qui ont plutôt besoin d’une solide catéchèse et d’une orientation spirituelle sûre. Sans un enracinement dans le Christ, les vérités pour lesquelles nous vivons finissent par se fissurer, la pratique des vertus devient formaliste et le dialogue est réduit à une forme de négociation ou à un accord sur le désaccord. Cet accord sur désaccord…afin que rien ne bouge…Cette superficialité qui nous fait tant de mal.

Il y a ensuite une troisième tentation, qui est la sécurité apparente qui se cache derrière des réponses faciles, des phrases toutes faites, des lois et des règlements. Jésus a beaucoup lutté contre ces personnes qui se cachaient derrière les lois, les règlements, les réponses faciles… Il les a traités d’hypocrites. La foi, par sa propre nature, n’est pas centrée sur elle-même, la foi tend à ‘‘aller au-dehors’’. Elle cherche à se faire comprendre, elle fait naître le témoignage, génère la mission. En ce sens, la foi nous rend capables d’être en même temps courageux et humbles dans notre témoignage d’espérance et d’amour. Saint Pierre nous dit que nous devons être toujours prêts à répondre à quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous (13, 15). Notre identité de chrétiens réside en définitive dans l’engagement à adorer Dieu seul et à nous aimer les uns les autres, à être au service les uns des autres et à montrer à travers notre exemple, non seulement en quoi nous croyons, mais encore en quoi nous espérons et qui est Celui en qui nous avons mis notre confiance (cf. 2Tim 1, 12). […]

Enfin, avec un sens clair de notre propre identité de chrétien, le dialogue authentique exige aussi une capacité d’empathie. Pour qu’il y ait dialogue, il doit y avoir empathie. Le défi qui se présente à nous est celui de ne pas nous limiter à écouter les paroles que les autres prononcent, mais de saisir la communication non dite de leurs expériences, de leurs espérances, de leurs aspirations, de leurs difficultés et de ce qui leur tient le plus à cœur. Une telle empathie doit être le fruit de notre regard spirituel et de l’expérience personnelle, qui nous porte à voir les autres comme des frères et des sœurs, et à ‘‘écouter’’, à travers et au-delà de leurs paroles et actions, ce que leurs cœurs désirent communiquer. En ce sens, le dialogue exige de nous un authentique esprit ‘‘contemplatif’’ : esprit contemplatif d’ouverture et d’accueil de l’autre. Je ne peux pas dialoguer si je suis fermé à l’autre. Ouverture ? Mieux encore : accueil ! Viens chez moi, toi, dans mon cœur. Mon cœur t’accueille. Il veut t’écouter. Cette capacité d’empathie nous rend capables d’un vrai dialogue humain, dans lequel des paroles, des idées et des questions jaillissent d’une expérience de fraternité et d’humanité partagée. Si nous voulons aller au fondement théologique de cela, allons au Père : il nous a tous créés. Nous sommes les fils d’un même Père. Cette capacité d’empathie conduit à une authentique rencontre – nous devons aller vers cette culture de la rencontre – dans laquelle le cœur parle au cœur. […]

 

RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES D’ASIE
PAPE FRANÇOIS
17 août 2014

 

Texte intégral

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COMMENTAIRE

L’importance du dialogue

Aujourd’hui je m’arrêterai sur le voyage apostolique au Sri Lanka et aux Philippines, que j’ai accompli la semaine dernière. Après ma visite en Corée il y a quelques mois, je me suis rendu à nouveau en Asie, un continent aux riches traditions culturelles et spirituelles. Le voyage a surtout été une joyeuse rencontre avec les communautés ecclésiales qui, dans ces pays, rendent témoignage au Christ: je les ai confirmées dans la foi et dans la missionnarité. Je conserverai toujours dans mon cœur le souvenir de l’accueil en fête des foules — dans certains cas océaniques —, qui a accompagné les moments importants du voyage. En outre, j’ai encouragé le dialogue interreligieux au service de la paix, ainsi que le chemin de ces peuples vers l’unité et le développement social, en particulier avec la participation des familles et des jeunes.

Le sommet de mon séjour au Sri Lanka a été la canonisation du grand missionnaire Joseph Vaz. Ce saint prêtre administrait les sacrements, souvent en secret, aux fidèles, mais il aidait indistinctement tous les indigents, de chaque religion et condition sociale. Son exemple de sainteté et d’amour pour le prochain continue à inspirer l’Eglise au Sri Lanka dans son apostolat de charité et d’éducation. J’ai indiqué Joseph Vaz comme modèle pour tous les chrétiens, appelés aujourd’hui à proposer la vérité salvifique de l’Evangile dans un contexte multireligieux, avec respect envers les autres, avec persévérance et avec humilité.

Le Sri Lanka est un pays d’une grande beauté naturelle, dont le peuple cherche à reconstruire l’unité après un long et dramatique conflit civil. Lors de ma rencontre avec les autorités gouvernementales, j’ai souligné l’importance du dialogue, du respect pour la dignité humaine, de l’effort de faire participer chacun pour trouver des solutions adéquates en vue de la réconciliation et du bien commun.

Les différentes religions ont un rôle significatif à jouer à cet égard. Ma rencontre avec les responsables religieux a été une confirmation des bonnes relations qui existent déjà entre les diverses communautés. Dans ce contexte, j’ai voulu encourager la coopération déjà entreprise entre les disciples des différentes traditions religieuses, également dans le but de pouvoir guérir grâce au baume du pardon ceux qui sont encore touchés par les souffrances de ces dernières années. Le thème de la réconciliation a également caractérisé ma visite au sanctuaire de Notre-Dame de Madhu, particulièrement vénérée par les populations Tamoule et Cingalaise et but de pèlerinage de membres d’autres religions. Dans ce lieu saint, nous avons demandé à Marie notre Mère d’obtenir pour tout le peuple sri-lankais le don de l’unité et de la paix.

Du Sri Lanka, je suis parti aux Philippines, où l’Eglise se prépare à célébrer le cinquième centenaire de l’arrivée de l’Evangile. C’est le principal pays catholique d’Asie, et le peuple philippin est bien connu pour sa foi profonde, sa religiosité et son enthousiasme, également dans la diaspora. Lors de ma rencontre avec les autorités nationales, ainsi que pendant les temps de prière et au cours de la Messe de conclusion à laquelle une grande foule a assisté, j’ai souligné la fécondité constante de l’Evangile et sa capacité d’inspirer une société digne de l’homme, où il y a de la place pour la dignité de chacun et pour les aspirations du peuple philippin.

AUDIENCE GÉNÉRALE
PAPE FRANÇOIS
21 janvier 2015

 

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